L'Association Intercallis vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d'année et un Joyeux Noël.
« ... Comme dans tant d'autres maisons, il se trouvait dans la maison aux chats un grand-père, vieil homme presque octogénaire mais solide encore, et qui, pour rien au monde, n'eût manqué d'aller tous les jours boire son verre, fumer sa pipe et faire sa partie d'avant dîner au café du bout de la ville.
Grand-père aimait beaucoup ses chats, ses chats aussi l'aimaient beaucoup ; et ils le lui prouvaient chaque soir à l'heur de son retour du café, en allant au devant de lui jusqu'au coin de la prochaine rue, tous de front, leurs trois queues en l'air. Là, des ronrons récompensés par des caresses. Puis, les chats se remettaient en marche, et, tous de front, leurs trois queues en l'air, précédaient grand-père jusqu'à la porte.
Par malheur, au commencement de l'hiver, grand-père tomba malade. On lui prescrivit un repos absolu, sa chambre fut consignée, et les chats ne le virent plus.
Ceux-ci ne savaient pas ce qu'était devenu leur ami ; et chaque soir, à l'heure ordinaire, ils allaient jusqu'au coin de la prochaine rue, attendaient un instant, puis s'en retournaient la queue basse et l'air désolé, conduite qui faisait l'étonnement et l'édification de tout le voisinage.
Or, certain jour passa par la ville un vieux chercheur de pain à peu près du même âge que le grand-père, et qui, avec sa canne, sa barbe blanche, ses habits râpés mais fort propres, n'était pas sans lui ressembler.
Il passait justement à l'heure habituelle du grand-père, et les chats, le voyant venir, y furent trompés.
Tous en rang, leurs trois queues en l'air, ils allèrent à la rencontre du pauvre, passèrent, repassèrent entre ses jambes, et le pauvre, en les caressant, murmurait : « Seigneur, mon Dieu, les braves chats ! »
Puis ils se mirent à marcher devant lui, au grand étonnement du pauvre qui, tout de même, les suivit.
Il les suivit jusqu'à la porte de la salle à manger qui, selon la coutume de certaines provinces, se trouvait au rez-de-chaussée, donnant sur la rue.
Et comme le dîner était servi, pour ne point se montrer moins charitables que les chats, honnêtement on invita le pauvre à prendre place autour de la table, dans le fauteuil même du grand-père.
Et le vieux pauvre disait toujours, tout en montrant grand appétit : « Seigneur, mon Dieu ! la bonne ville où, pour vous montrer le chemin, on dépêche de si braves chats ! »
Extrait de « Nouveaux Contes de Noël » / Paul Arène. 1890.
Paul Arène, né le 26 juin 1843 à Sisteron et mort le 17 décembre 1896 à Antibes, est un poète provençal et écrivain français.