Michelle Willi, membre d'Intercallis, a récemment publié son troisième livre.
Ce livre nous emmène dans le Paris menacé, puis bombardé, de la Première Guerre mondiale. Luce, 18 ans, s'inquiète pour son fiancé et lui écrit des centaines de lettres pour combler l'interminable attente. En retrouvant ses lettres, l'autrice a ressenti le désir de répondre à la jeune fille d’autrefois qui est devenue sa grand-mère. À un siècle d’écart, deux âges, deux époques, deux paroles de femme de l’une à l’autre.
« Après le bonheur d'une maison pleine en été, revient le calme de la campagne en arrière-saison. C'est un plaisir qui se goûte à l'automne de ma vie : J'ai du temps, d'autant plus que nous sommes tous confinés à cause d'une pandémie soudaine. Me voilà seule devant un paquet de lettres déteintes, restées cent ans dans l'ombre, passées d'une maison à l'autre et de main en main sans jamais être ouvertes. Elles me sont confiées depuis quelques semaines : Quels secrets détiennent-elles ?
En les défaisant lentement de leurs liens, j'ai trouvé des centaines de lettres écrites par Luce, ma grand-mère, quand la " Grande guerre " la sépara de Jean, son jeune fiancé, engagé volontaire.
Ce furent cinq années d'attente, entre 1914 et 1919, cinq années d'écriture où l'on exprime l'intime à celui qui manque.
Au moment où mes propres filles ont le double d'âge de Luce et où mon petit-fils envoie ce genre de textos " T'es où ? ", " C'est cool ", " Hâte de te voir "… son écriture à elle est d'un tout autre style !
Un sentiment d'indiscrétion m'a d'abord envahie en ouvrant ces pages soigneusement pliées car les lettres de ma grand-mère sont avant tout des lettres d'amour. Elles n'ont pas été jetées. M'attendaient-elles ?
J'ai été touchée, au fil des lignes, par l'intensité de ses sentiments, mêlés de doutes et d'inquiétude, d'élans et de craintes.
Luce y parle aussi de la vie difficile au centre de Paris, de sa passion pour la peinture, des livres qu'elle lit, de sa famille avec laquelle elle a peu d'échanges. La guerre, comme un fond de ciel noir, est toujours présente même si l'élan amoureux paraît parfois prendre la première place.
Je comprends mieux Luce en la lisant et ma pensée s'est enrichie de ce que j'ai connu du couple de mes grands-parents, car Jean, par chance, est revenu vivant.
La sélection des lettres a été difficile. J'ai pris le parti de n'en retenir que les plus significatives et, pour chacune, d'écrire à la jeune fille qui donnera plus tard naissance à mon père, leur fils unique.
Ma grand-mère espérait avoir une fille pour réparer l'injustice de n'être pas aimée de son propre père mais elle dût attendre la première petite-fille que je fus pour reporter ce désir. Nous avons donc été très proches et bien des souvenirs d'elle font partie de ma jeunesse.
Pourquoi mes réponses posthumes à ces écrits ? Par désir de les replacer dans leur contexte historique et pour créer un lien entre le passé de Luce, ma mémoire d'elle, et notre temps actuel. A un siècle d'écart, deux âges, deux époques, deux paroles de l'une à l'autre.
Jeune fille en pleine guerre, son témoignage parle autant de l'histoire des femmes que de la grande Histoire. Je la découvre à la fois lucide et passionnée, soumise aux traditions et parfois se rebellant, mélancolique ou pleine d'énergie, directive et délicate.
Malgré son jeune âge – vingt-et-un ans dans sa première lettre – , elle exprime ses états d'âme d'une plume merveilleusement sensible, alerte et colorée. Son écriture ne s'est pas fanée. Elle sait décrire ce qu'elle voit, ce qu'elle ressent, ce qu'elle pense.
Parce que ce voyage dans le temps me touche, j'ai eu envie de le partager, avec toute la vie qu'il contient, et d'imaginer entre nous cet échange singulier. »
M.W.
L'Attente de Michelle Willi, ISBN 978-2-9576998-0-3
en vente à l'Office du Tourisme à Entrechaux et à la Librairie Montfort à Vaison-la-Romaine.