Bonnes fêtes

L'Association Intercallis vous souhaite de très bonnes fêtes de fin d'année et un Joyeux Noël.

Conte de Noël

« Venez, Jackie, neveu charmant, dit M Théodore Decalandre ; c'est aujourd'hui Noël et dans votre soulier, où logerait à peine une mésange, vous avez trouvé un tambour qui vous permet de répandre dans l'appartement le plus affreux des vacarmes.

Imaginez, et ne vous suspendez point de la sorte à ma barbe, que vous allez, sans doute, affectueusement arracher, imaginez qu'à votre âge et comme Noël approchait, je vis, dans un journal, un dessin fort singulier et qui m'incita aux plus profondes méditations : au commencement de la fameuse nuit, un enfant posait sa petite pantoufle, devant le radiateur, et se demandait, la maison étant dépourvue de cheminée, comment le Père Noël descendrait des hauteurs de l'azur jusqu'au tapis de la chambre, à travers cette manière de serpent de fer chaud.

Je révai longtemps à ce problème ; il n'y avait pas non plus chez nous de cheminée, et je considérai le radiateur avec la plus grande curiosité du monde. Pendant trois jours, je remuai des pensées fort étranges. On m'avait, comme à l'ordinaire, couché de fort bonne heure et convié à dormir et fort sagement, sous la promesse que le Père Noël ne m'oublierait pas.

Je ne parvenais point à fermer les yeux : je pensais toujours à la tuyauterie... Je me levai et, marchant sur la pointe des pieds pour qu'on ne m'entendit point, j'allai m'asseoir devant le radiateur ; je l'examinai attentivement ; il était clos de toutes parts, comme on pense. Que le Père Noël put entrer, j'avais, à force d'y rêver, cessé de m'en étonner ; mais comment en pourrait-il sortir pour déposer près de moi le cheval mécanique qui galopait et roulait dans mes songes ? Aide-toi, le ciel t'aidera ; je voulus aider le ciel. J'allai quérir un marteau et un grand clou et je perçai le radiateur.

L'eau se mit à couler dans la chambre ; un mince filet, puis un ruisseau, puis ce fut un lac et qui montait. Je sautai sur une chaise ; la chaise se prit à flotter ; je bondis sur mon lit, qui remua doucement, quitta le plancher et se conduisit à la manière d'une barque. Je n'osais crier, mais j'avais peur. Les poissons arrivèrent ; il y avait des requins qui semblaient rire et qui montraient leurs grandes dents ; mais un énorme cheval, muni de roues à aubes, les mettait en fuite ; des poissons rouges dansèrent une sorte de ballet et, tandis que vibrait le radiateur ouvert, j'entendais l'appel des remorqueurs sur la Seine et les sirènes lointaines des transatlantiques. L'eau montait toujours ; de mes cheveux je touchais le plafond ; les trompettes des anges retentirent ; l'eau me ferma la bouche et les oreilles.
— Vous étiez mort, mon oncle ?
— Non. Mais je m'évaillai en sursaut. C'était un rêve ; et devant le radiateur...
— ... il y avait le beau cheval mécanique que, sans bruit, le Père Noël vous avait apporté dans la nuit.
— Non, parce que ce rêve venait de se dérouler dans la nuit du ving-trois décembre — qui n'est pas la nuit de Noël ; — ce qui vous enseigne, mon cher neveu, que les songes les plus ingénieux ne présentent parfois quelque intérêt que s'ils s'accordent avec le calendrier. »
T.D.

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